Cote d'Ivoire :''L'apres Gbagbo'',Côte d’Ivoire: collection politique automne-hiver
«Dis-moi comment tu t’habilles et je te dirai quelle est ta force de frappe en Côte d’Ivoire.» Entre valeurs sûres indémodables et créativité inattendue, quelques métaphores vestimentaires du dessinateur burkinabè Damien Glez.
© Damien Glez, tous droits réservés.
En matière de mode, voici les tendances qui se profilent, en Côte d’Ivoire, pour les mois à venir.
Grand retour de la veste réversible, popularisée autrefois par Laurent Dona Fologo. Le retournement de veste vient, en effet, d’être remis au goût du jour par Paul Yao Ndré au défilé d’investiture d’Alassane Ouattara. Ceux qui se sont trop «mouillés» privilégieront les modèles avec face imperméable. Attention: on y transpire beaucoup…
Valeur sûre: le classique costume trois pièces façon Henri Konan Bédié. Au regard des dernières nominations dans le monde des affaires, ce code vestimentaire redevient tendance, même en dehors des grands hôtels où il semblait cantonné trois mois durant. Ne pas oublier l’accessoire indispensable: le cigare griffé à vos initiales.
En ce qui concerne les chaussures, finis les bruits de bottes depuis que les gbagboïstes sont dans leurs petits souliers. Les ouattaristes devraient éviter de leur casser les pieds en arrivant avec leurs gros sabots. Des pieds aux mains, il n’y a qu’un pas: en toute chose, le nouveau pouvoir devrait prendre des gants…
La tendance n’est plus à la tête nue. Sur les… chapeaux de roue, le nouveau président ivoirien exhibe son couvre-chef à l’étranger, du Sénégal au Burkina. Pendant ce temps, Guillaume Soro confirme la mode de la double casquette —Premier ministre et ministre de la Défense. Il a déjà fait des émules dans son cher Faso où le président vient d’ajouter le béret de ministre de la Défense à son bonnet de chef d’Etat. Avec sa femme à moitié chauve, le président ivoirien sortant, lui, semble encore chercher son style pour couvrir son crâne. Il ne veut pas porter le chapeau, mais passe du bonnet d’âne au casque pare-balles.
Attention aux fautes de goût: hésitant aussi entre le débardeur et la chemise hawaïenne verdâtre aussi appelée «modèle hôtel du Golf», l’ancien président comprend un peu tard cette erreur d’habillement qui l’a ringardisé: laisser sa femme porter la culotte. Après s’être fait tailler un costard, c’est de peu qu’il a échappé à la camisole de force. Ce qui est sûr, c’est que Gbagbo évitera de porter une cravate qui rappellerait la corde au cou —voire la corde du pendu…
Simone Gbagbo —dont le mari ne supporterait plus les essayages— comprend, à son corps défendant, que le pagne «Ton pied, mon pied» (qui évoque la fidélité) n’est plus «stylé». Regardant avec nostalgie le modèle «Mon mari est capable», elle se contente aujourd’hui d’un sobre «Gombo sec», le pagne des moments difficiles. Face aux apparentes bouderies de son mari, elle devrait même se résigner à porter «Chérie ne me tourne pas le dos». Sa rivale plus que discrète Nadiana Bamba —qui croyait avoir trouvé chaussure à son pied— porte elle certainement le wax «L'œil de ma rivale»…
Dans les rues d’Abidjan, finie la mode treillis —mais attention, les modes sont cycliques— et autres tenues de camouflages dépareillées agrémentées de bouts de sachets en plastique bleu (collection printemps-été «Wattao»). La réconciliation passera par un ballet de soutanes et autres chasubles. Un avant-goût des longs boubous en bazin nouvellement réhabilités, même au sud du pays…
En matière de couleurs dominantes dans cette collection automne-hiver, privilégiez le vert-blanc-orange national. Le rouge sang lui est à proscrire autant que possible.
Et gageons que cette mode passera l’hiver…!
Damien Glez est un dessinateur burkinabé. Il dirige le Journal du Jeudi, le plus connu des hebdomadaires satiriques d'Afrique de l'Ouest.